A un certain point de vue, l'adoption dans la vie bénédictine est peut-être soumise à des conditions moins complexes que dans certaines formes modernes de vie religieuse: on peut devenir Jésuite, Dominicain, Franciscain, que moyennant des qualités très définies. Vous n'avez rien, je suppose, de ce qu'il faut pour être prédicateur, professeur, missionnaire; vous ne pouvez donc, sans témérité, entrer dans un Ordre qui est voué par définition aux missions, à l'enseignement, à la prédication. Sans doute, nul ne songera à se faire moine simplement parce que les autres portes lui sont fermées. Mais enfin, dans la vie bénédictine, on ne réclame guère de nous qu'une aptitude: la disposition intérieure à nous sanctifier. Et cette aptitude existe lorsqu'on a une âme baptisée et qu'on est résolu à développer les énergies de son baptême.
Une santé très ordinaire peut suffire à notre tâche monastique. Mais ce qui importe de demander au candidat à la vie contemplative, c'est un certain équilibre de tempérament, qui n'est pas toujours très commun dans notre siècle d'impulsifs et de névrosés. Celui qui se voue à la vie monastique avec une tête un peu faible et des tares intellectuelles y perdra tout ce qui lui reste, ou du moins deviendra un fardeau pour ses frères et un danger pour la communauté. Une préoccupation exagérée de la santé, du moi, de l'honneur et des attentions qu'il mérite, serait d'assez triste augure; l'hypertrophie du moi peut-être le premier indice de la folie. Au reste, il ne suffit pas, pour éliminer un candidat, de constater chez lui certains défauts légers et quelques tendances égoïstes, sinon personne ne serait élu.
Il n'est pas besoin d'être Platon ou Aristote pour faire oeuvre de contemplatif chrétien. Mais il y aurait certainement présomption à entrer aujourd'hui dans la vie contemplative, nous ne disons pas seulement sans culture préalable de l'intelligence, - ce qui est interdit par le Saint Siège - mais sans un goût réel des choses spirituelles. La vie contemplative ne consiste pas à rêver et à ne rien faire du tout. On doit même se défier de ceux qui négligent l'étude sous prétexte que nous ne sommes voués qu'à la contemplation pure, ou bien parce que, selon l'Apôtre:" la science gonfle". Il est notoire que le goût de la vraie et saine doctrine est, dans l'ensemble de notre vie, une garantie de persévérance, de dignité et de progrès, parfois plus assurée qu'une certaine forme de piété.
Il faut à celui qui se présente une disposition à prendre sa foi au sérieux, une disposition de vaillance. Au monastère, notre subsistance est assurée; nous n'avons pas l'aiguillon extérieur de la nécessité, ni cet encouragement que l'action porte avec elle. Si le contemplatif n'est pas aussi un courageux, il deviendra vite un traînard, un fuyard de la perfection, un inutile. On lui demande encore l'amour du calme, du silence, un certain éloignement pour le monde, pour la politique, pour l'action extérieure, pour un ministère qu'il a librement abandonné, même, ajouterions-nous volontiers, pour les affaires de sa famille; nous n'avons pas à assurer l'avenir de nos frères, de nos soeurs, de nos neveux ou nièces; notre prière et notre fidélité seront plus efficaces auprès de Dieu que des industries humaines pour lesquelles nous n'avons plus de compétence. Le candidat doit avoir aussi un bon caractère et une certaine jeunesse d'âme: les esprits critiques, grincheux, insociables, sont peu faits pour une Règle qui exige un contact perpétuel avec des frères et une soumission filiale envers l'Abbé.
Enfin, une excellente marque de vocation à la vie contemplative est décrite par ce passage de l'Ecclésiastique:" Ayant le souci de la beauté, ils mettaient de la paix et de l'ordre dans leur maison".
Le souci de la beauté n'implique pas forcément des goûts d'artiste et des aptitudes aux beaux-arts; mais il implique une tendance à ne rien faire à demi, à réaliser la pureté parfaite, une disposition délicate à ne laisser rentrer chez soi, sous aucune forme de déguisement, les petites passions d'un monde auquel on a renoncé.
La courtoisie, la disposition dans les relations avec le Seigneur comme avec les frères découlent aussi de ce culte pour la beauté; de même l'amour éclairé de l'Office divin, de ses rites et de ses chants.
dom Delatte: la vie bénédictine.
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