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Homélie du très révérend père Abbé pour la fête de Saint Benoît et de Pierre de l'Etoile.
Publié le 13 Juillet 2014
SAINT BENOÎT
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 11 juillet 2014)
"MAINTENANT, JE SUIS UNE POUSSIERE SANS NOM.
MAIS, PAR LA MISERICORDE DE DIEU,
DE LA POUSSIERE, J'EN AI LA FOI,
JE RESSUSCITERAI."
Excellence,
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
L'Eglise invite à ce que tous se réjouissent dans le Seigneur, Gaudeamus omnes in Domino, en ce jour où elle fête saint Benoît.
Depuis plus de 1500 ans, des hommes se sont mis à l'école du saint Patriarche né à Nursie en Italie vers 480. Vivant une époque d’incertitudes (l'Empire romain d'Occident s'était effondré quatre ans avant sa naissance), de dangers (allées et venues de troupes, réquisitions, pillages, violences, renchérissement des denrées, restrictions, famines, épidémies), Benoît « a soutenu la maison du Seigneur durant sa vie » (cf. épître de la Messe).
Son exemple, sa Règle, ses monastères, ont été et demeurent une réponse proposée à l'homme de tous les temps, à «l’homme qui veut la vie et désire connaître des jours heureux. » (Ps 34/33, 13)
Paul VI, dans une allocution au Mont-Cassin, affirmait :
L’excitation, le bruit, l’agitation fébrile, l’extériorité, la foule, menacent l’intériorité de l’homme. Il lui manque le silence, avec son authentique parole intérieure, il lui manque l’ordre, la prière, la paix. Il lui manque lui-même. Pour retrouver la maîtrise et la joie spirituelle de lui-même, il a besoin de se remettre en face de soi, dans le cloître bénédictin. Dans la discipline monastique, l’homme est regagné à lui-même et à l’Eglise.
(Allocution prononcée au Mont-Cassin le 24 octobre 1964)
Ces propos sont toujours actuels. Au sein d’un monde qui se cherche et qui cherche, Benoît rappelle l'essentiel : chercher Dieu.
Par la volonté de Dieu, qui veut associer l'homme à l'œuvre de sanctification de l'humanité, le Père des moines d'Occident est devenu pour beaucoup un maître sur le chemin de la sainteté. Alors que le monde a un besoin urgent d'apôtres, comment, à notre tour, suivre cette voie ?
Saint Bernard, dans un Sermon pour la Nativité de Notre-Dame, a bien précisé le rôle de la médiation humaine dans l'œuvre de sanctification, et le moyen pour devenir médiateur :
La Source de la Vie a été canalisée jusqu'à nous, et ses eaux se sont répandues sur nos places... C'est par un aqueduc qu'est descendu ce ruisseau céleste, en versant la grâce, goutte à goutte, sur nos cœurs desséchés...
Mais comment notre aqueduc peut-il atteindre une Source si élevée ? Comment, pensez-vous, sinon grâce à la véhémence de son désir, sinon par la ferveur de sadévotion, sinon par la pureté de sa prière, comme en témoigne l'Ecriture : ''La prière du juste pénètre les cieux'' (Si 35, 21). Et qui est juste si Marie ne l'est pas, elle de qui s'est levé pour nous le Soleil de Justice ? Comment donc Marie a-t-elle rejoint cette inaccessible Majesté ? N'est-ce pas en frappant, en demandant, en cherchant ?
(Sermon pour la Nativité de Marie, ou ''Sermon de l'Aqueduc'', n.3 et 5)
Si Marie, pour tout homme et de manière unique, est aqueduc de la grâce de Dieu, tout homme, à son tour, est appelé à être aqueduc pour son prochain, à être l'instrument de telle ou telle grâce, et en tous les cas, à offrir sa charité. Aqueduc, Saint Benoît l'a été pour ses fils. D'autres ont suivi son exemple, tel Pierre de l'Etoile, fondateur et premier Abbé de Fontgombault.
En venant s'établir au XIe siècle dans les lieux sanctifiés autrefois par l'ermite Gombaud et habités encore par quelques solitaires, Pierre fut associé à une étape essentielle de la vie monastique des bords de la Creuse. En 1091, probablement à cause du nombre croissant des solitaires, il transféra les lieux monastiques sur la rive droite de la rivière et choisit un mode de vie cénobitique. Les moines de Fontgombault vivront désormais dans un monastère, sous une Règle, celle de saint Benoît, et un Abbé. (cf. Règle de saint Benoît, c.1, Des diverses espèces de moines)
D'ermite, Pierre devint architecte et constructeur inlassable. En 1114, il y a 900 ans, la vingtième année de son gouvernement, le premier Abbé de Fontgombault retourna vers son Seigneur. Celui qu'on appellera le bienheureux Pierre de l'Etoile fut enterré dans la salle du chapitre où sa pierre tombale a été retrouvée le 3 février 1954. Transportée le 29 juillet de la même année au milieu de la nef de cette église, on peut y lire en latin l'épitaphe suivante :
ON M'APPELAIT PIERRE :
MAINTENANT, JE SUIS UNE POUSSIERE SANS NOM.
MAIS, PAR LA MISERICORDE DE DIEU,
DE LA POUSSIERE, J'EN AI LA FOI,
JE RESSUSCITERAI.
PASSANT, DIS À DIEU QU'IL AIT PITIE DE MOI.
CE QUE TU ES MAINTENANT, JE LE FUS ;
ET CE QUE JE SUIS MAINTENANT, TU LE SERAS AUSSI.
Petrus eram dictus, nunc sum sine nomine pulvis. Sed miserante Deo de pulvere credo resurgam. Dic homo qui transis Deus ut mihi propicietur. Nunc quod es ipse fui, quod sum modo tu quoque fies.
Mort, Pierre parle encore. Ces mots ravivent en notre cœur le sérieux de la vie. Fêter les saints ne consiste pas uniquement à faire monter une action de grâces au Seigneur pour la beauté des dons qu'il a répandus, autrefois, sur une créature humaine. Fêter les saints, c'est nous souvenir qu'aujourd'hui encore, ils demeurent des aqueducs de la grâce, et ainsi nous renouveler à l'écoute de leur message, afin d'accomplir fidèlement notre vocation.
L’Evangile de ce jour est clair : la récompense sera pour ceux qui ont suivi le Seigneur. Suivons donc Jésus. Pénétrons les cieux par l'union à Dieu, pour ensuite devenir aqueduc, et répandre la grâce et la miséricorde de Dieu sur le monde. Pour les assoiffés de notre temps, quelques gouttes de cette eau sont une grande bénédiction. Les en priverons-nous ?
Messager de paix, écrivait Paul VI, artisan d’union, maître de civilisation, et, avant tout, héraut de la religion du Christ et fondateur de la vie monastique en Occident [tel fut saint Benoît]... Alors que s’écroulait l’Empire romain désormais à son terme, que des régions de l’Europe s’enfonçaient dans les ténèbres, et que d’autres ne connaissaient pas encore la civilisation et les valeurs spirituelles, ce fut lui qui, par son effort constant et assidu, fit se lever sur notre continent l’aurore d’une ère nouvelle.
(Lettre apostolique, Pacis nuntius, 24 octobre 1964)
Enfants de Marie, fils de Benoît et de Pierre de l'Etoile, œuvrons à la naissance de cette ère qui n'aura pas de couchant.
Amen.
Sermon of the Right Reverend Dom Jean Pateau
Abbot of Our Lady of Fontgombault
(Fontgombault, July 11, 2014) link rorate caeli
Publié le 13 Juillet 2014
SAINT BENOÎT
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 11 juillet 2014)
"MAINTENANT, JE SUIS UNE POUSSIERE SANS NOM.
MAIS, PAR LA MISERICORDE DE DIEU,
DE LA POUSSIERE, J'EN AI LA FOI,
JE RESSUSCITERAI."
Excellence,
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
L'Eglise invite à ce que tous se réjouissent dans le Seigneur, Gaudeamus omnes in Domino, en ce jour où elle fête saint Benoît.
Depuis plus de 1500 ans, des hommes se sont mis à l'école du saint Patriarche né à Nursie en Italie vers 480. Vivant une époque d’incertitudes (l'Empire romain d'Occident s'était effondré quatre ans avant sa naissance), de dangers (allées et venues de troupes, réquisitions, pillages, violences, renchérissement des denrées, restrictions, famines, épidémies), Benoît « a soutenu la maison du Seigneur durant sa vie » (cf. épître de la Messe).
Son exemple, sa Règle, ses monastères, ont été et demeurent une réponse proposée à l'homme de tous les temps, à «l’homme qui veut la vie et désire connaître des jours heureux. » (Ps 34/33, 13)
Paul VI, dans une allocution au Mont-Cassin, affirmait :
L’excitation, le bruit, l’agitation fébrile, l’extériorité, la foule, menacent l’intériorité de l’homme. Il lui manque le silence, avec son authentique parole intérieure, il lui manque l’ordre, la prière, la paix. Il lui manque lui-même. Pour retrouver la maîtrise et la joie spirituelle de lui-même, il a besoin de se remettre en face de soi, dans le cloître bénédictin. Dans la discipline monastique, l’homme est regagné à lui-même et à l’Eglise.
(Allocution prononcée au Mont-Cassin le 24 octobre 1964)
Ces propos sont toujours actuels. Au sein d’un monde qui se cherche et qui cherche, Benoît rappelle l'essentiel : chercher Dieu.
Par la volonté de Dieu, qui veut associer l'homme à l'œuvre de sanctification de l'humanité, le Père des moines d'Occident est devenu pour beaucoup un maître sur le chemin de la sainteté. Alors que le monde a un besoin urgent d'apôtres, comment, à notre tour, suivre cette voie ?
Saint Bernard, dans un Sermon pour la Nativité de Notre-Dame, a bien précisé le rôle de la médiation humaine dans l'œuvre de sanctification, et le moyen pour devenir médiateur :
La Source de la Vie a été canalisée jusqu'à nous, et ses eaux se sont répandues sur nos places... C'est par un aqueduc qu'est descendu ce ruisseau céleste, en versant la grâce, goutte à goutte, sur nos cœurs desséchés...
Mais comment notre aqueduc peut-il atteindre une Source si élevée ? Comment, pensez-vous, sinon grâce à la véhémence de son désir, sinon par la ferveur de sadévotion, sinon par la pureté de sa prière, comme en témoigne l'Ecriture : ''La prière du juste pénètre les cieux'' (Si 35, 21). Et qui est juste si Marie ne l'est pas, elle de qui s'est levé pour nous le Soleil de Justice ? Comment donc Marie a-t-elle rejoint cette inaccessible Majesté ? N'est-ce pas en frappant, en demandant, en cherchant ?
(Sermon pour la Nativité de Marie, ou ''Sermon de l'Aqueduc'', n.3 et 5)
Si Marie, pour tout homme et de manière unique, est aqueduc de la grâce de Dieu, tout homme, à son tour, est appelé à être aqueduc pour son prochain, à être l'instrument de telle ou telle grâce, et en tous les cas, à offrir sa charité. Aqueduc, Saint Benoît l'a été pour ses fils. D'autres ont suivi son exemple, tel Pierre de l'Etoile, fondateur et premier Abbé de Fontgombault.
En venant s'établir au XIe siècle dans les lieux sanctifiés autrefois par l'ermite Gombaud et habités encore par quelques solitaires, Pierre fut associé à une étape essentielle de la vie monastique des bords de la Creuse. En 1091, probablement à cause du nombre croissant des solitaires, il transféra les lieux monastiques sur la rive droite de la rivière et choisit un mode de vie cénobitique. Les moines de Fontgombault vivront désormais dans un monastère, sous une Règle, celle de saint Benoît, et un Abbé. (cf. Règle de saint Benoît, c.1, Des diverses espèces de moines)
D'ermite, Pierre devint architecte et constructeur inlassable. En 1114, il y a 900 ans, la vingtième année de son gouvernement, le premier Abbé de Fontgombault retourna vers son Seigneur. Celui qu'on appellera le bienheureux Pierre de l'Etoile fut enterré dans la salle du chapitre où sa pierre tombale a été retrouvée le 3 février 1954. Transportée le 29 juillet de la même année au milieu de la nef de cette église, on peut y lire en latin l'épitaphe suivante :
ON M'APPELAIT PIERRE :
MAINTENANT, JE SUIS UNE POUSSIERE SANS NOM.
MAIS, PAR LA MISERICORDE DE DIEU,
DE LA POUSSIERE, J'EN AI LA FOI,
JE RESSUSCITERAI.
PASSANT, DIS À DIEU QU'IL AIT PITIE DE MOI.
CE QUE TU ES MAINTENANT, JE LE FUS ;
ET CE QUE JE SUIS MAINTENANT, TU LE SERAS AUSSI.
Petrus eram dictus, nunc sum sine nomine pulvis. Sed miserante Deo de pulvere credo resurgam. Dic homo qui transis Deus ut mihi propicietur. Nunc quod es ipse fui, quod sum modo tu quoque fies.
Mort, Pierre parle encore. Ces mots ravivent en notre cœur le sérieux de la vie. Fêter les saints ne consiste pas uniquement à faire monter une action de grâces au Seigneur pour la beauté des dons qu'il a répandus, autrefois, sur une créature humaine. Fêter les saints, c'est nous souvenir qu'aujourd'hui encore, ils demeurent des aqueducs de la grâce, et ainsi nous renouveler à l'écoute de leur message, afin d'accomplir fidèlement notre vocation.
L’Evangile de ce jour est clair : la récompense sera pour ceux qui ont suivi le Seigneur. Suivons donc Jésus. Pénétrons les cieux par l'union à Dieu, pour ensuite devenir aqueduc, et répandre la grâce et la miséricorde de Dieu sur le monde. Pour les assoiffés de notre temps, quelques gouttes de cette eau sont une grande bénédiction. Les en priverons-nous ?
Messager de paix, écrivait Paul VI, artisan d’union, maître de civilisation, et, avant tout, héraut de la religion du Christ et fondateur de la vie monastique en Occident [tel fut saint Benoît]... Alors que s’écroulait l’Empire romain désormais à son terme, que des régions de l’Europe s’enfonçaient dans les ténèbres, et que d’autres ne connaissaient pas encore la civilisation et les valeurs spirituelles, ce fut lui qui, par son effort constant et assidu, fit se lever sur notre continent l’aurore d’une ère nouvelle.
(Lettre apostolique, Pacis nuntius, 24 octobre 1964)
Enfants de Marie, fils de Benoît et de Pierre de l'Etoile, œuvrons à la naissance de cette ère qui n'aura pas de couchant.
Amen.
Sermon of the Right Reverend Dom Jean Pateau
Abbot of Our Lady of Fontgombault
(Fontgombault, July 11, 2014) link rorate caeli
Fête de saint Pierre et saint Paul. homélie dom Jean Pateau. osb+ Wisques.
Publié le 29 Juin 2015
Dom Pateau père Abbé de Fontgombault
homélie pour la Pentecôte. dom jean Pateau.
Postquam locutus est eis, assumptus est in caelum.
Après leur avoir parlé, il fut enlevé au ciel.
Mc 16,19
sermon pour l'Ascension. dom Jean Pateau.
Publié le 1 Mai 2015
dom Pateau père abbé de Fontgombault.
Publié le 18 Février 2015
MERCREDI DES CENDRES
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 18 février 2015)
Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris.
Souviens-toi homme, que tu es poussière
et que tu retourneras en poussière. (cf Gen 3,19)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Ces que le prêtre a prononcées, en faisant sur notre front le signe de la croix, semblent à première vue des paroles de mort. Que vaut l'homme s'il n'est que poussière, et que poussière sera le résidu de sa vie ? « A quoi sert d'amasser des trésors sur la terre, où la rouille et les vers rongent, et où les voleurs percent les murs et dérobent ? » (cf Mt 6,19-20)
Pourtant, face au refus de croire au caractère vain de la vie, jaillit, au plus profond du cœur, une question :
Qui donc pourrait donner à la poussière que je suis, un corps ? Qui pourra donner à mes ossements, qui seront un jour desséchés, une nouvelle vie ?
Le geste de l'imposition des cendres contient la réponse : la Croix de Jésus. La Miséricorde de Dieu qui, à travers la Croix, se penche vers ma misère et me pardonne. Pour cela la Croix doit être le sommet de nos vies. Le Christ doit en être le centre.
« Celui qui méditera jour et nuit la Loi du Seigneur portera son fruit en son temps » (Verset de Communion, Ps 1,2). La Loi de Jésus, c'est de l'imiter.
Imiter le Christ qui prie, en faisant notre prière plus pieuse et plus assidue, en méditant fréquemment l'Évangile.
Imiter le Christ qui jeûne, par des renoncements volontaires à la nourriture ou à d'autres biens. Sans mettre en péril notre vie, ces privations sont l'occasion de se souvenir que la nourriture et les biens de la terre sont des dons de Dieu. Ils ont été créés pour sustenter l'homme, non pour que celui-ci s'y soumette. De plus, le jeûne rapproche de tous ceux qui, de par le monde, sont privés de nourriture par pauvreté, parce qu'on la leur refuse, ou simplement parce qu'il n'y en a pas.
L'aumône est souvent comprise comme un don fait à des pauvres ou à des organismes caritatifs. Est-ce suffisant? Souvent il est moins coûteux de faire un don d'argent qu'un don de charité, qu'un don de son cœur.
L'aumône d'un sourire, d'une bonne parole, l'aumône du pardon, ne sont pas à négliger : « Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage, afin de ne pas faire voir aux hommes que tu jeûnes. » (Mt 6,17)
Remettons-nous donc, en ces saint jours, à l'école de Jésus, en essayant de le connaître davantage. Montons à Jérusalem afin de mourir au monde et au mal, pour ressusciter avec lui.
Confions à Marie notre chemin quadragésimal. Puissions-nous demeurer près d'elle jusqu'au Calvaire.
Amen.